Mettons-nous bien d’accord, je voudrais parler de l’héroïne de Shakespeare, et pas de la chanteuse :
Ophélie Winter au festival de Cannes en 1997
Source : Wikipedia
Ophélie est un des personnages de la pièce Hamlet (1601). Vous connaissez, Hamlet :
« Etre ou ne pas être, telle est la question » ou « Il y a quelque chose de pourri au royaume de Danemark. »
La Grande Traversée, Øbsen, p45
Source : Les Allusions dans Astérix
Voici un petit film qui résume le propos de la pièce (attention, c’est en anglais) :
« Le roi du Danemark, le père d’Hamlet, est mort récemment ; son frère Claudius l’a remplacé comme roi et, moins de deux mois après, a épousé Gertrude, la veuve de son frère. Le spectre du roi apparaît alors et révèle à son fils qu’il a été tué par Claudius. Hamlet doit venger son père et, pour mener à bien sa tâche, simule la folie. Mais il semble incapable d’agir et, devant l’étrangeté de son comportement, l’on en vient à se demander dans quelle mesure il a conservé sa raison. On met cette folie passagère sur le compte de l’amour qu’il porterait à Ophélie, fille de Polonius, chambellan et conseiller du roi. » Wikipedia
Ophelia, John William Waterhouse, 1894
Ophelie est une jeune noble du royaume du Danemark, fille de Polonius, soeur de Laërte et qui entretient une relation amoureuse avec Hamlet, bien qu’un mariage semble être impossible.
Ophelia, Pierre Auguste Cot, 1870
« Hamlet éconduit Ophélie pour accréditer sa propre folie. La mort de son père ajoutée à sa peine de cœur rend la jeune fille folle et elle se noie dans un ruisseau. Ne pouvant déterminer si sa mort est accidentelle ou si la jeune fille s’est noyée ou si elle a été assassinée, son corps est enterré en terre consacrée. Lors de l’enterrement, Hamlet se penche sur le corps de sa bien-aimée et pleure sa mort, ultime preuve de son amour. » Wikipedia
Acte IV, scène VII (extrait)
Le roi. – ……Qu’est-ce donc ma douce reine?
La reine. – Un malheur marche sur les talons d’un autre, tant ils se suivent de près. Votre soeur est noyée Laërte.
Laërte. – Noyée ? Où donc ?
La reine. – Il y a au bord d’un ruisseau un saule qui mire ses feuilles argentées dans l’onde transparente. C’est là qu’elle s’en vint portant de folles guirlandes, de renoncules, d’orties, de pâquerettes et de ces longues fleurs pourpres que nos bergers rustauds appellent pattes- de- loup. Là tandis qu’elle grimpait pour suspendre aux rameaux inclinés sa couronne de fleurs, une branche envieuse s’est cassée, et ses trophées champêtres, comme elle-même, tombèrent dans le ruisseau en pleurs. Ses vêtements se sont étalés, et un moment ils la soutinrent telle une sirène, cependant qu’elle chantait des bribes de vieux airs, comme insensible à sa détresse ou comme une créature née et faite pour cet élément. Mais cela ne put durer longtemps. Ses vêtements enfin, lourds de ce qu’ils avaient bu, entraînèrent la pauvrette de son doux chant à une mort fangeuse.
Laërte. – Hélas ! Elle est donc noyée?
La reine. – Noyée, noyée.
Laërte. – Tu n’as que trop d’eau , pauvre Ophélie, et je retiens mes larmes. Et pourtant nous sommes ainsi faits, la nature suit son cours quoi qu’en dise la pudeur. Quand ces pleurs auront coulé, ce qui est femme en moi sera satisfait. Adieu, monseigneur. J’ai des paroles de feu qui jetteraient des flammes, mais cette folle douleur les éteint.
Source : Citadelles
Ophelie, Millais, 1851
Pour la petite histoire de cette peinture, Elizabeth Siddal, le modèle de 19 ans, a posé, habillée dans une baignoire pendant de longues heures, en plein hiver, ce qui lui valut d’être bien malade. Son père envoya la note des médicaments à Millais.
Ophélie est souvent représentée avec des fleurs, elle était en train d’en ramasser lors de son décès :
Ophélie, Ernest Hébert
On retrouve Ophélie devant les cameras de nombreux réalisateurs comme Laurence Olivier en 1948 (Hamlet) :
Jean Simmons, Hamlet, Laurence Olivier, 1948
Source : Mary Quite Contrary
(anecdote : Eileen Herlie qui jouait la mère d’Hamlet avait 30 ans lors du tournage et Laurence Olivier qui jouait le rôle titre en avait 41.)
Voici la bande annonce du Hamlet de Zeffirelli en 1990 :
Avec Helena Bonham Carter dans le rôle d’Ophélie.
Les images liées à Ophelia, glissant sur l’onde ont marqué les esprits et n’ont pas échappé au Danois lars von Trier, dans son dernier film Melancholia, dans lequel on peut admirer une Kirsten Dunst en robe de mariée flottant sur l’eau :
Source : au féminin.com
Un peu comme un clin d’oeil intertextuel, on retrouve le personnage d’Ophélie, et plus particulièrement Ophélie morte, dans l’oeuvre de Rimbaud « Ophélie » in Poésie (1870) :
I
Sur l’onde calme et noire où dorment les étoiles,
La blanche Ophélia flotte comme un grand lys,
Flotte très lentement, couchée en ses longs voiles…
− On entend dans les bois lointains des hallalis…
Voici plus de mille ans que la triste Ophélie
Passe, fantôme blanc, sur le long fleuve noir ;
Voici plus de mille ans que sa douce folie
Murmure sa romance à la brise du soir.
Le vent baise ses seins et déploie en corolle
Ses longs voiles bercés mollement par les eaux ;
Les saules frissonnants pleurent sur son épaule,
Sur son grand front rêveur s’inclinent les roseaux.
Les nénuphars froissés soupirent autour d’elle ;
Elle éveille parfois, dans un aune qui dort,
Quelque nid, d’où s’échappe un petit frisson d’aile.
− Un chant mystérieux tombe des astres d’or.
II
O pâle Ophélia ! belle comme la neige !
Oui, tu mourus, enfant, par un fleuve emporté !
− C’est que les vents tombant des grands monts de Norwège
T’avaient parlé tout bas de l’âpre liberté !
C’est qu’un souffle inconnu, fouettant ta chevelure,
À ton esprit rêveur portait d’étranges bruits ;
Que ton cœur écoutait la voix de la Nature
Dans les plaintes de l’arbre et les soupirs des nuits !
C’est que la voix des mers, comme un immense râle,
Brisait ton sein d’enfant, trop humain et trop doux ;
C’est qu’un matin d’avril, un beau cavalier pâle,
Un pauvre fou s’assit, muet, à tes genoux !
Ciel ! Amour ! Liberté ! Quel rêve, ô pauvre Folle !
Tu te fondais à lui comme une neige au feu.
Tes grandes visions étranglaient ta parole :
− Un Infini terrible effara ton œil bleu !
III
− Et le Poète dit qu’aux rayons des étoiles
Tu viens chercher, la nuit, les fleurs que tu cueillis ;
Et qu’il a vu sur l’eau, couchée en ses longs voiles,
La blanche Ophélia flotter, comme un grand lys.
Pour en revenir à mon titre, Ophélie était amoureuse, mais Hamlet a tué son père et semble devenir fou… Autant aller cueillir quelques fleurs pour se changer les idées… Lalalaschtroumpflala… et plouf… Comme quoi, ça peut être super dangereux de cueillir des fleurs! Moi, je dis ça, je dis rien…